Longue navigation solo

    Avant veille du 65ème anniversaire du débarquement qui faite date dans l'histoire de notre pays, ce 4 juin 2009 fera date dans ma propre histoire d'élève pilote privé. Aujourd'hui, c'est la longue navigation solo qui doit être supérieure à 150 Nm en ligne droite avec deux complets sur deux aérodromes différents du point de départ. Thierry, un autre élève plus avancé que moi, ainsi que d'autres PPL de mon aéroclub ont effectué leur NAV solo en rejoignant Alès et Béziers, tantôt d'un sens, tantôt dans l'autre.  Personnellement, plus attiré par la côte que le bas relief, je préfère garder le meilleur pour la fin en revenant par un transit de Montpellier en longeant la mer. 
   
    Déjà deux fois que cette NAV est avortée ! dimanche, il y a quatre jours , pour cause de météo bouchée, j'ai du rester au sol et le lendemain, lundi de Pentecôte, j'ai du revenir me poser au terrain car j'ai jugé que la météo n'était pas aussi bonne que je l'avais estimé pour voler sereinement en gérant le LOG et la radio.

 

 

                

 

    Aujourd'hui, on a un TEMSI un peu particulier. C'est CAVOK partout, peu de vent sur Montpellier et Béziers, mais par contre sur Avignon c'est 25 kt en rafale et de la turbulence modérée annoncée par TEMSI sur toute la vallée du Rhône, incluant bien tendu notre aéroport. Grosso modo, va falloir être patient avant de retrouver le calme du coté d'Alès ... disons une demi heure un peu agité et après ça devrait le faire.

    Le temps de ma prévol dehors sur le Juliet Fox, Patrice appelle l'AFIS d'Alès, ma première escale, qui lui confirme que la météo est bonne sur les installations. Faut dire que LFMS a une approche un peu particulière en "01", avec le survol interdit du village situé en bout de piste, ce qui implique un circuit adapté avec une finale inexistante, comme qui dirait une base quasi directe en seuil de piste, avec une courte mini rikiki. J'ai bien préparé ces approche avec Patrice, ça devrait aller.

 

 

 

    Cette fois, ça devrait être la bonne.  Au parking, installé seul à bord, je termine ma check, prends l'ATIS, demande la clearence et c'est le moment du roulage. Déjà au sol, ça secoue moins que lundi, bon signe pour la suite. Aligné en 35, Mistral oblige, je m'élance, rotation à 65 kt, j'ai majoré de 10 kt car il y a des rafales à 25 kt avec un angle de 20° sur la gauche, je préfère assurer ma rotation. Cette fois je suis bien en l'air, vu comment les élements me valdinguent dans tous les sens. Punaise, je le sens mal pour la suite. Mais je m'accroche. Ici je sais que le vent est quotidien, et j'ai pris l'habitude. Personnellement, je me connais et je sais que passé 5 à 10 minutes de vol, mon corps s'habitue aux ballotements et je fini par les oublier. Je dis pas non plus que les variations brutales du vario dus à la météo me laissent insensibles, mais pour ce qui est de la turbulence passagère, j'encaisse mieux, même s'il reste encore du chemin à parcourir.

 

    Bref, je passe Whisky en sortie de CTR d'Avignon et passe sur Rhône Info sur 119.70.  Je récite ma phraséo et annonce une directe UZES, puis se sera une directe LFMS. Mon FI m'a dit de faire simple, j'ai fais un LOG simple. C'est approuvé par la contrôle, à 2000 ft QNH. Je passe Rémoulins, puis le majestueux pont du Gard, puis fini par arriver à Uzès. Le point tournant passé, je vire vers LFMS en jetant un oeil à l'ADF, pratique sur Alès qui dispose de procédures d'approche IFR.

 

 
Pont du Gard

 

 

    Les installations en vue, je quitte Rhône Info pour passer avec l'AFIS d'Alès sur 130.20. J'effectue une verticale terrain à 2200 ft (1700 ft du tour de piste plus les 500 ft de sécurité). Ensuite je m'intègre en vent arrière, piste 01 main gauche. Comme dit précédemment, l'arrivée en 01 est assez Rock 'n Roll. Un village situé en bout de piste, la VAC interdit son survol, ce qui implique une base à ras de la piste pour une finale très courte pour le coup. Comme Patrice me l'a enseigné, tout est dans la vent arrière qu'il faut faire plus éloignée que sur les terrains conventionnels. Ainsi, on allonge la base permettant de virer en dernier virage suffisamment bas. Bon aujourd'hui, plusieurs paramètres gênent la manœuvre: déjà je suis seul à bord, et aucun commentaire en place droite pour rectifier une éventuelle erreur, et en plus un léger vent de 10 kt de travers qui va m'obliger de virer un poil plus tôt mordant ainsi le seuil de piste. Sur la vidéo en fin d'article, vous verrez comment le vent me fait dériver gentillement pour m'axer sur la piste. A dire vrai, cette manœuvre m'a bien plu.
 

 
    Quarante minutes de vol, et la première étape est bouclée. Au parking, je coupe le moteur, puis monte à la tour où une charmante agent AFIS me tamponne mon carnet de vol, et m'encaisse la taxe d'aéroport. C'est une escale express. Je retourne à l'appareil, contrôle les gouvernes, le carburant et le niveau d'huile. J'immortalise mon escale par deux clichés.

 

 

                             

 

 

    Onze heures et demi, je remonte dans mon Cessna. Checks, démarrage du moteur et annonce à l'Afis mon roulage pour le point d'arrêt de la "01". Essais moteurs et procédures d'avant décollage effectuées, je remonte la piste pour m'aligner au seuil. Dommage qu'on ne le remarque pas trop sur la vidéo, mais la piste est bien en pente (50 ft de différence entre les deux extrémités.

 

                     
Cartes du Vol : LFMS-LFMU
 


     Montée initiale à 70 kt (j'ai majoré de 5 kt pour le vent malgré tout), je vire puis intègre une vent arrière pour prendre mon cap au 220° pour une branche de 50 Nm. Je quitte l'AFIS et repasse sur Rhône Info. Au milieu de la branche, j'ai pris un repère qu'on ne peut pas rater dans la région : le pic Saint-Loup. Je poursuis donc ma navigation. Je m'étais fais un repère de façon à connaitre le moment où passer avec Montpellier Info, passage en classe "D" oblige. J'informe Rhone Info qui me répond "Je vous rappelle". Rhône Info me demande de passer avec Montpellier. Au premier contact avec eux, même pas eu besoin d'annoncer ma position et mes intentions, comme en IFR, le contrôleur (informé par Rhone Info) me demande de rappeler Pézenas en me donnant un nouveau transpondeur. Je continue ma navigation en transitant au nord de Montpellier. La visibilité est extraordinaire, de là où je me trouve, je vois déjà la grande bleue. Je demande à libérer 3000 ft pour descendre à 2000 QNH. Je quitte momentanément la fréquence pour prendre la dernière de Béziers. Pézenas en vue, je quitte la fréquence pour passer avec Béziers Tour. Avec eux, c'est toujours très simple. Même pas arrivé à Papa Zoulou, on me demande de rappeler les installations en vue. Je poursuis quand même Pézenas et une fois le point survolé, je vire vers les installations de Béziers Vias.

 

 

                               
Pézenas, point d'entrée CTR BEZIERS

 

 

   Vent arrière à 1100 ft, je vire au dessus de l'autoroute A9, pour une finale sur la piste 10. Un peu haut sur le plan, bizarrement je me suis laissé surprendre par une base au dessus de l'autoroute et voulant respecter les 1000 ft de survol, j'ai pris du retard sur ma descente. La piste à LFMU est longue, et je pose en m'efforçant de faire un arrondi de qualité, même si je trouve que sur la vidéo, on a la sensation d'un toucher de roue assez sec.  Regardez le capot moteur, vous verrez mon arrondi  ;-)

   Bref, me voilà sur un taxiway et à mon grand étonnement, la tour me donne la fréquence Sol que je n'avais pas vu sur la VAC. J'apprendrais plus tard que cette fréquence est notée dans les généralités et non en entête de la VAC, pour cause de fréquence non opérationnelle. J'ai droit au Follow me, voir là aussi le petit film en  fin d'article. L'opérateur sympa m'explique la procédure (panneaux lumineux rouge et vert sur le toit de l'auto) et m'embarque même dans son engin jusqu'au pied de la tour. Là, je file au bureau de piste me faire tamponner mon carnet de vol, payer la taxe et prendre la météo sur une borne Olivia.

 


 

 

   Après les formalités, retour à pied tranquilou vers mon C152. Prévol dans les normes, il me reste encore 95 litres pour rejoindre Avignon. A 24 litres heure, et une heure de vol environ, ça va le faire. Contact Béziers Tour, je roule vers Alpha puis remonte la piste 10. Aligné, je décolle vers ce qui va être le clou du voyage : le survol de la côte durant 35 minutes !

 

 

 

 

   Pour commencer, je me délecte avec le point Sierra Echo plus connu sous le nom de CAP D'AGDE, puis une directe Fréjorgues approuvée à 3500 ft, je longe tout le littoral. En prime, j'aurais droit à une verticale Sète, puis travers Frontignan ... un moment de pur bonheur avec le seul regret de ne pas pouvoir le partager avec quelqu'un à ce moment là. Avec un peu plus de 45 heures de vol seulement, ce vol est d'une intensité remarquable à tout point de vue, un second lâché en somme.

 

   La vidéo vous montrera la beauté de décors et encore sur le Net, la vidéo est ré-encodée (car HD au départ) et perd de sa saveur. Bref, je me paye une verticale LFMT avec juste au moment de ma verticale terrain, un A320 d'Air France à la rotation, là aussi, le délire total à bord de mon petit coucou .

 

    

 
 

    Je file pour une directe LFTW, le fameux terrain de Nimes Garrons où j'ai eu l'occasion de tester les installations au cours de ma première navigation solo. Peu avant le terrain, je repasse avec Rhône Information qui me tiendra compagnie jusqu'à travers Beaucaire, voir le film là aussi.

 

    ATIS d'Avignon pris, je contacte la tour qui me fera effectuée une verticale terrain, pour une intégration en vent arrière avec une piste 35 main droite. Je fini en beauté là aussi car c'est une première pour moi ce genre d'intégration. En appliquant les bons paramètres, je gère cette approche peu banale, et me retrouve en finale sacrément baloté par un vent de 25 kt à 330°. 

 

    Au parking après deux heures quarante cinq de vol continu, je termine ma navigation solo avec une banane comme vous ne pouvez pas l'imaginer. Patrice est là sur le tarmac, vient aux nouvelles, récupère son GPS glissé sous mon pare brise pour tracer ma nav et la débriefer au mieux. Sympa, il est 14h15, mon instructeur m'a attendu pour qu'on aille déjeuner ensemble et discuter de cette nouvelle expérience aéronautique.

 

      Après l'analyse de ma vidéo, je tire un petit bilan personnel sur mes trois finales.   Hormis la première approche où je repique volontairement un peu plus tôt pour anticiper la dérive (piste 01 avec un vent du 330° à 10kt)  je constate qu'à chaque fois en base j'ai viré trop tôt pour la finale m'obligeant à faire une manœuvre dans laquelle je reste en base oblique plus longtemps. Évidemment, exemple pas à suivre pour l'examen quand même. Comme quoi quand on vole seul, le plus pénalisant c'est que personne en place droite peut corriger en live. Maintenant , je pense l'expliquer par le fait qu'au premier posé, j'ai été obligé de m'intégrer ainsi pour contrer le vent et par la suite pour les deux autres approches, j'ai reproduis machinalement la même manœuvre ...  A éviter donc et je vais tacher d'être plus vigilant à ma prochaine séance de révision PPL.
 

   Ceci étant, au cours de cette matinée,  je suis quand même passé par tous les stades, du stress avec une météo avec turbulences modérées les vingt première minutes, des passages avec des contrôleurs aux fréquences pas habituelles, un accueil chaleureux à Alès et Béziers pour ma NAV des 150 Nm, le survol du Pic Saint-Loup que je ne connaissais que de nom, les 35 minutes le long des côtes où je me suis fait littéralement péter les rétines, et un final aussi agité que le départ avec une approche peu ordinaire en Avignon. Un souvenir mémorable ...

 

 

 

 


NOTA
: Pour ceux qui se demandent comment je me débrouille pour filmer seul à bord, je répondrais en toute sécurité. L'objectif premier de filmer à bord est en toute franchise d'évacuer le  stress d'être seul à bord. Non pas que je me sente pas capable de piloter seul, mais douze heures de vol solo seulement ne sont pas suffisants pour dire qu'on vole pleinement décontracté. Du coup, j'ai remarqué qu'en faisant des photos et des petits films seul à bord me permettait justement d'évacuer une certaine pression et du coup mes vols se déroulaient dans de meilleurs conditions.   Lors de cette longue NAV solo, certaines branches duraient une vingtaine de minutes, et seul à bord, une fois les checks effectuées, c'est long même en profitant du spectacle dehors. En filmant, on pense un instant à autre chose, tout en jetant un oeil soutenu aux instruments, et le plaisir de voler prend le pas sur l'angoisse de se retrouver seul aux commandes. En plus, j'ai constaté que ça me rendait plus disponible pour mettre  à jour mon log et le suivi de la navigation sur mes cartes. Lâcher le manche n'est pas chose aisée au début et sur ce point là, grâce à mon FI, j'ai pris une certaine assurance.

 

   Sur un plan technique, j'utilise un velcro adhésif qui assure le maintient de  la caméra sur le haut du tableau de bord durant les phases de décollage et d'approche. En palier, appareil bien compensé, en air calme, je peux librement lâcher les commandes un instant pour tenir d'une main ma caméra en  filmant en aveugle l'extérieur. C'est au montage final du film à la maison que je coupe les rushes in regardables. A l'arrivée, je conserve un souvenir de mes vols, fais profiter de mes observations en vol aux autres et en plus sur un plan plus pédagogique , j'analyse mes approches  ; pratique car l'objectif est fixe et le capot moteur permet justement de vérifier la tenu des  paramètres.  La raison pour laquelle je n'ai pu filmer la partie Avignon Alès tient du fait que les turbulences ne m'ont pas permis d'assurer un vol en totale sécurité sur cette zone là, ainsi qu'au retour entre Beaucaire et Avignon.