Jeudi 08 décembre 2011
 
       J'arrive à 18h30 au club, où Patrice m'attend déjà. Je ne connais pas le programme de la soirée, mais j'en connais un qui m'a préparé quelque chose de gratiné. Au menu de la soirée, une navigation circulaire : Avignon, Alès, Montélimar, Avignon. Jusque là, rien de bien compliqué, surtout qu'il fait ce soir une temps de curé. Une nuit étoilée comme jamais, et une visibilité qui s'annonce de folie. Dans ces conditions météorologiques exceptionnelles, il fallait s'attendre à une embrouille. Ce soir, le vol se fera en conditions VSV (vol sans visibilité), c'est à dire que je vais me coltiner une visière qui m'occultera la vue extérieure, me laissant entrevoir uniquement le tableau de bord.
 
       Phase préparatoire du vol de ce soir, mon instructeur m'a sorti un LOG pré rempli, reste à noter quelques élements comme les altitudes. Pour se faire, je me munis des documents présents dans le Complément aux cartes aéronautiques. Pour chaque branche, il y est noté les altitudes mini et maxi publiées.

  
        Pour les flanquements, on se dit que noter MTL sur Alès sera une bonne idée. Cependant, pas certain de le capter depuis LFMS. Notre chef pilote présent ce soir, nous fait part d'une remarque pertinente. Nous savons tous que sur les cartes VAC, on retrouve toujours des flèches en bord de carte, qui pointent entre autre sur une radio balise avec son radial et sa distance. La remarque tient sur le fait que les VOR notés comme références sur les VAC ont à priori plus de chance d'être captés que ceux absents du marquage. Du coup à LFMS, c'est Fréjorgues (VOR de Montpellier) que l'on va flanquer et non Montélimar absent de la VAC.
   
        Je termine la prévol extérieure, le temps que Patrice dépose le plan de vol. Je sens qu'on va passer une soirée exceptionnelle, y'a des jours comme ça où les sensations sont excellentes, et ce soir  j'ai la patate.
 
 
          Nous voilà à bord prêt à mettre en route. J'attaque le roulage à 19h30. Maintenant que l'on remonte la piste, Patrice prend les commandes le temps que je m'équipe : visière VSV, lampe frontale par dessus, et encore par dessus le casque radio. Me voilà équipé. Patrice aligne la machine sur la piste. Autorisés à décoller, je tors le coup pour garder le Cessna axé sur la piste, et une fois les 50 kt atteints, je replonge la tête dans les instruments. Je reste rivé sur le conservateur de cap, avec du pied à droite pour garder le cap. Soixante nœuds, rotation, et maintenant c'est l'horizon artificiel à gérer. Comme il est mentionné sur la publication du SIA, on se reporte verticale terrain, non pas à 2000 ft mais à 2500 ft comme demandé par la Tour. C'est Patrice qui garde le visuel sur l'extérieur qui me donne les TOP pour virer en me communiquant simplement des vecteurs. A moi de les atteindre en virage standard.
 
 
          Verticale terrain 2500 ft, je prends le cap noté sur mon LOG, il s'agit du QDM 280° vers le VOR d 'Avignon. On quitte la Tour et passons avec le SIV de Provence sur 127.725 Mhz. AVN passé, prise du nouveau cap en station arrière. Je monte 4000 ft, toujours avec la visière sur la tête. L'exercice suivant est de tenir cap, altitude, jusqu'à Alès. Vingt six minutes de vol rectiligne, où mes seules marges de manœuvres sont plus ou moins 50 ft en altitude, et moins de 2° sur le radial d'AVN. C'est chaud quand même, et encore, je ne plains pas car la masse d'air est super calme. Finalement, je me trouve une technique qui n'engage que moi : poser la main gauche sur le haut du tableau de bord, et la main droite qui agrippe le centre du volant, à la manière d'un ballon de handball. Ainsi, ce ne sont que de toutes petites pressions de mes doigts qui agissent sur l'assiette et l'inclinaison de la machine.
 
          Un coup d’œil sur la montre, nous sommes à deux minutes de LFMS. Pas de DME à bord, donc je vais flanquer le terrain sur le VOR de Montpellier. Cette machine ne possède qu'une radio NAV, donc faut jouer avec le mode stand by et l'OBS sur l'unique cadran VOR. L'aiguille commence à rentrer rapidement, nous sommes sur le point tournant. Nouvelle prise de cap, toujours à taux standard car volant en VSV. Au cap 045°, Patrice affiche la fréquence de MTL, le VOR de Montélimar. Nous le captons maintenant, reste à prendre le QDM 043° dessus, tout en maintenant 4000 ft. Une dizaines de minutes passent, et un exercice de déroutement débute. Rejoindre le VOR d'Avignon, toujours avec la visière. Depuis trois quarts d'heure maintenant que nous sommes en l'air, je n'ai pas encore vu ce qui se passe dehors. Je ne dis pas qu'à une ou deux reprises, j'ai pas jeté un coup d’œil furtif sous la casquette pour profiter des lumières au sol, mais très franchement, vu les exigences demandées pour la tenue des paramètres, pas le temps de bailler aux corneilles.

          De retour dans la CTR d'Avignon, je descends 2000 ft pour atteindre Whisky. C'est Patrice qui joue le contrôleur en me vectorisant, toujours à taux standard. Une heure de vol s'est écoulée, et les effets de la désorientation sont bien présents.  J'ai la sensation que l'on vole incliné à gauche, genre sur la tranche, alors que mon horizon artificiel est bien tenu. On dit tout le temps, faut croire en la méthode, les instruments ne se trompent jamais, en attendant, quand vous êtes convaincus d'être dans une posture  qui ne colle pas aux instruments, ça gamberge dur dans la tête.

           Nouvel exercice encore et se sera le dernier mais là va falloir que je me sorte les doigts : voler avec un tableau de bord partiel. Patrice me colle des Post-It sur l'horizon artificiel, le conservateur de cap, et sur la bille. Reste badin, altimètre, variomètre mais surtout l'indicateur de virage sans qui le taux standard serait impossible à tenir avec une visière VSV. 
 
 
            Une série de virages seront demandés, à taux standard et surtout à variomètre constant. Ce sont des légères variations sur le volant que je dois appliquer pour rester stable tout en gérant le virage avec le seul instrument disponible pour réaliser la manip. Patrice gère la montre pour contrôler que les virages sont effectués dans le timing imparti au taux standard. Je passe à la moulinette une dizaine de minutes, et je dois dire que finalement c'est passé plutôt vite, mais alors je commence à avoir un mal de crâne ... je ne sais pas si se sont les sangles de la lampe frontale sous les sangles de la caquette VSV avec le casque par dessus qui m'oppressent, ou tout simplement l'absence de repères visuels. Une heure et quart que nous volons, et enfin la délivrance. J'ôte la visière et peut enfin profiter du spectacle extérieur.  Au programme, passer à Rémoulins, puis effectuer un 360° autour du Pont du Gard. Son éclairage à la manière d'un son et lumière multicolore est bien visible depuis notre Cessna. C'est la séquence détente de la soirée.

            Retour sur Avignon ... Patrice reprend les commandes, et me demande de ma cacher les yeux. Exercice de désorientation, et c'est parti : on monte, on descend, on vire d'un coté puis de l'autre, et là sur le coup, je ne cherche même plus à savoir dans quelle posture nous sommes, impossible de savoir. J'entends dans mon casque :"ouvres les yeux, et reprends les commandes". Ah oui, en effet, l'horizon est complètement en Live ! Nous sommes inclinés fortement sur la droite avec un taux de montée de 30° grosso modo, et si je reprends pas les commandes, on va décrocher. Assiette, puissance ... stable, le vol reprend son cours.
            
               Contact avec la Tour, nous sommes autorisés pour une base 35. Quel bonheur de voir dehors, surtout que la visibilité est monstrueuse ce soir. Au lointain, on voit les lumières de Marseille, ou peut être Istres. J’atterris pleins volets, 60 kts. Finalement dans cette configuration, je suis bien plus à l'aise ce qui me permet de toucher avec plus de douceur que l'avant veille. Alors que nous roulons pour le club, le contrôleur nous informe que la Tour ferme. Je me dis en moi même que la soirée serait parfaite en la terminant par un solo. Patrice m'y autorise. Nous volons depuis une heure quarante, et je suis en pleine bourre pour finir par un tour de piste.

             Je dépose Patrice en entrée de taxiway Bravo. Il me briefe sur l'emploi du système de transmission automatique de paramètres (STAP) et du système de télécommande radioélectrique du balisage lumineux (PCL). Trois coups d'alternat pour allumer le balisage de piste, cinq coups pour le passer en haute intensité et sept coups pour l'éteindre, sachant que le balisage se coupe seul au bout de quinze minutes. Ce tour de piste est pour moi est une grande première, car c'est effectivement la première fois que je vais évoluer en tour de piste à Avignon en auto-information. C'est plutôt marrant.
            
             Je décolle maintenant, montée tranquille, 500 ft sol je vire en vent traversier. Dans mon casque, j'entends une série de crachouillis. Connaissant Patrice, le roi des couillonnades en tout genre, j'imagine qu'il est en train de m'éteindre le balisage. Derrière la plaisanterie se cache surtout un nouvel exercice pour tester son élève sur l'emploi du PCL. Mi vent arrière, j'annonce ma position et mes intentions. En base, je prends note que la piste est bien éteinte, quel farceur ce Patrice ! Je rallume après trois coups d'alternat, et Patrice sur-enchère avec cinq coup pour passer en haute intensité et me montrer du coup la différence de luminosité. C'est clair, elle saute aux yeux.

             Courte finale, pleins volets, je ré-itère mon arrondi. Finalement, je pense que demain soir, je ferais mes tours de pistes dans cette configuration, qui me permet de poser tout doux. De retour au parking après juste un p'tit tour de piste qui se devait de marquer la fin de cette géniale soirée ... les discussions se poursuivent avec PAT, sur le vol passé. Un débriefing très enrichissant.