Nav, sur les traces du final de la Grande Vadrouille

   Ce dimanche 10 mai, le temps est particulièrement calme. Très peu de vent sur Avignon, un plafond entre 5000 et 7500 ft, une bonne visibilité, bref une météo pas des plus radieuses mais qui semble être une météo calme pour voler tranquillement vers Mende.

    Documents de vol rassemblés, carte des vents qui me permet d'intégrer les nouveaux cap magnétiques à suivre en tenant compte des dérives, et nous voilà en train de faire le plein des réservoirs. Cette fois çi, nous partiront avec une centaine de litres. Prévol terminée, je termine ma préparation de poste, et mets en route le Cessna. Contact pris avec la tour, se sera la point d'arrêt FOX pour un départ en 17. Le vent est calme, et la rotation à 55 kt se fait sans problème particulier.


     En montée à 2000 ft, je me stabilise peu avant le point Whisky. Check croisière, je contacte la Tour pour quitter et passe avec Rhône Info. Pour le moment, c'est impeccable. Pas une turbulence, on vole sur un véritable tapis volant. Une bonne dérive de 12° que j'avais estimé à la prévol sur mon Log de navigation nous permet de suivre avec facilité notre route. On passe travers Nord de la ville d'Uzès. Maintenant en contact avec Marseille Info, le contrôleur nous informe d'un trafic dans nos onze heures. On jette un œil et on observe en dessous de nous sur notre gauche, un appareil en finale sur UZES et peu de temps après, un autre trafic au décollage.



     Nous continuons notre route à une altitude de 4500 ft. Le plafond est bas mais nous sommes largement dans les limites VMC. La couche est au delà des 1000 ft au dessus de nous, le sol est en vue, et une visi supérieure à 10 km nous permet de voler sereinement.  Je repère sur ma gauche un lac et recherche sur la carte au 1/500.000 Sur la gauche,  Avec les différents villages situés aux abords, je détermine facilement notre position sur la carte grace aux repères VFR. Aujourd'hui, interdiction d'utiliser les VOR de Pujaut ou de Moitélimar pour trianguler notre position.  On commence à entrevoir les contreforts du Massif du Mont Lozère. Les nuages y sont agglutinés dessus, et bien  évidemment on contournera le massif pour des raisons évidentes de sécurité et de facilité aussi. Le survol du massif est interdit en dessous de 3000 ft sol et le Mont Lozère culmine à plus de cinq milles pieds. Nous arrivons maintenant à notre prochain point tournant, le lac de Villefort. Comme me l'avait fait remarquer Patrice à la prévol, ce lac se remarque de loin et reste un repère VFR très intéressant.
 
LAC DE VILLEFORT
 

   On remonte le lac au cap 350 durant une minute puis cap au 265 pour rejoindre la ville de Mende.  Désormais, la météo calme commence à changer très sérieusement d'aspect. Ça commence à turbuler mais ça reste encore raisonnable. Je contacte à tout hasard  l'AFIS de Mende qui me donne la météo locale et me demande de rappeler en vue des installations. Je retourne rapidement sur Marseille Info pour quitter. La ville de Mende est en vue, mais le plafond devient menaçant à son tour. Nous sommes désormais à 4900 ft soit 1500 ft au dessus de l'altitude du terrain LFNB. L'AFIS nous redonne la piste en service, et nous intégrons tout de même à la verticale terrain pour assurer une vent arrière convenable, car notre arrivée initiale nous présentait directement en base.

   Avant de virer en vent arrière, Patrice me demande de piquer l'assiette car à 4900 ft, nous allons finir par rentrer dans du grain face à nous. Je descends d'une centaine de pieds, passe sour le nuage et c'est le moment de virer en vent arrière de la piste 13 en main gauche. On commence à être sérieusement secoué, le vent tabasse dans ces zones montagneuses. Plus tard, mon instructeur m'indiquera que ce vol pourrait faire office d'initiation de vol montagne surtout avec ce vent qui offre selon notre position par rapport au relief des courants ascendants et de l'autre coté de méchants rabattants.

   Virage en base au dessus de la ville de Mende encaissée dans la vallée, je vire en finale sous la tutelle de Patrice à qui je demande de garder ses mains sur le manche car les turbulences nous soulèvent tantôt une aile, tantôt l'appareil entier. Difficile de conserver une altitude dans ces conditions et pourtant la piste se trouve en haut d'un promontoir et avec ce vent de 30 kt de face, il est hors de question d'arriver trop bas, car de ce coté du relief, ce sont des rabattants que nous devront affronter. Pour arranger le tout, avant la piste, c'est une forêt qui nous attend, d'où le seuil décalé. 

 

     Qui n'a jamais vu La grande Vadrouille ? et bien, vous souvenez-vous de l'aérodrome de la fin du film d'où décollent les deux planeurs des Anglais, avec à bord les deux compères Bourvil et De Funès ... imaginez une fois notre Cessna en très courte finale qui doit faire face à des courants qui ont tendance à soulever notre appareil nous empêchant même de toucher les roues. Décision prise, remise de gaz. 
 

      On dépasse la piste, qui se termine de manière abrupte avec le vide en dessous, occasionnant ainsi une énorme effet de pompe ; je sais maintenant ce qu'on appelle un coup de pied au cul !   De nouveau en vent arrière,  le stress commence à faire son effet sur moi. Déjà, d'être secoué dans tous les sens, je commence à prendre un coup de chaud, mais en plus des finales comme ça, c'est dur à se maitriser. Je demande à Patrice de procéder au toucher et j'en profite pour allumer mon appareil photo qui filmera cette seconde approche (voir fin d'article).  Formation oblige, Patrice me demande quand même de participer passivement en laissant mes mains sur le manche pour ressentir les mouvement à fournir, et l'autre main sur la manette des gaz pour ressentir également le dosage nécessaire. Cette seconde approche est dans les clous ; certe on est bougé, mais vu les circonstances, on arrive finalement à toucher malgré les effets du vent . Réchauffe carbu repoussé par moi même, on s'élance à nouveau dans les airs agités. Le seuil de piste franchie et de nouveau le vide en dessous de nous (souvenez-vous du film avec les planeurs à la fin), en une seconde on prend un vario de 1000 ft / mn dans les dents. Avec un Cessna 152, ça calme , je peux le dire.


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       Un p'tit mot sympa à l'agent AFIS pour quitter la zone d'aérodrome, et nous revoilà parti sur Avignon. A deux reprises, une turbulence nous soulève l'aile au vent d'une manière assez brutale. Avec ce que je viens d'endurer ,et  c'est pas avec 40 heures de vol déjà au compteur que j'ai vu grand chose, à ce moment là, je commence à pâlir sérieusement. Je me contrôle, niveau de stress commence à tomber mais quand même, ça barbouille un peu. Patrice décide de me faire pratiquer un exercice de déroutement vers la Grande Combe au cœur même du supplice. Je l'informe que je me sens pas de ré-affronter ces démons. 

       Finalement, il reste quarante bonne minutes de vol pour se rentrer à LFMV, et c'est l'ADF qui va me faire rentrer à la maison. Une fois les contreforts du Mont Lozère franchis, la météo redevient plus calme. Ahhhh, quel bonheur. Mon estomac m'en remercie encore.  Je constate que la dérive de l'aller est toujours présente, et le gisement de l'ADF s'en retrouve augmenté à chaque mille nautique effectué. Je décide comme pour l'aller, de mettre 12° de dérive. Je prends un cap de 95° avec un gisement affiché de 25° à l'ADF. Ainsi, je vole au QDM 120 jusqu'à Bagnols sur Cèze. On passe travers de la ville quand Patrice me réduit fortement les gaz pour entreprendre un exercice de panne moteur. J'effectue ma check (MECC) puis m'informant que le moteur ne souhaite pas repartir, je me mets à la recherche d'un terrain pour me poser. Que des vignes !!! Bon, je trouve néanmoins un terrain labouré. Je tente une manœuvre d'encadrement, qui disons le de suite, a été raté. Avec les évènements passés toujours dans mon esprit, tenir une vitesse de finesse max , tout en essayant de garder un visuel mon champs ... difficile exercice. Finalement, c'est une remise de gaz, avec mon champs sur le coté gauche d e l'appareil., quelques pieds plus bas. Ceci dit, en toute honnêteté, s"il avait fallu se poser quand même, j'étais encore dans les clous pour le faire même si la manière était pas des plus réussie.

      Je reprends mes 2000 ft, file sur le point d'entrée Novembre Whisky de la CTR d'Avignon, prends l'ATIS et m'annonce à la tour. On doit rappeler à Novembre Alpha, point situé sur l'île de la Barthelasse. Patrice me demande de faire une intégration à VNO MAX. C'est comme pour ainsi dire, une arrivée à fond les ballons. Je laisse descendre à 300 ft/mn gentillement de manière à me stabiliser à 1100 ft sol en vent arrière de la piste 35 main gauche.  Je rappelle en base,  mon badin indique 105 nœuds. Dans ma tête je me dis ou là là, et le réchauffe carbu, et les 80 kts avec un cran de volet, quel binz !
 
      La tour m'annonce "numéro un, autorisé atterrissage 35" , il est temps de réduire, réchauffe carbu tiré, descendre à 400 ft/mn puis à 80 kt, un cran de volet. Patrice m'annonce "je veux 70 kt, les plots IFR et un bel arrondi".  Je m'applique à tenir les 70 kt, le plan jusqu'au bout, et passé les plots IFR, un bel arrondi qui me procure un plaisir immense une fois les remarques positives de Patrice. Faut reconnaitre qu'après les deux approches à LFNB avec une météo digne de la traversée du Cap Horn en bateau, la finale à Avignon était  réalisée à la manière d'un jeu vidéo, tant le vent  était calme et les turbulences inexistantes, ont facilité ma tache. On arrive au parking club, j'éteins le moteur après deux heures cinq minutes de vol.