Vol de Nuit : VSV et approche IFR

 

    Ce vendredi 17 avril, peu avant 20 heures 30, j'arrive au club. Patrice est en train de terminer la préparation de son vol du lendemain. Au programme, une navigation en Italie de trois heures de vol tout en IFR. Je regarde avec lui les cartes du vol qu'il me commente en me détaillant les points d'intersection mais surtout les routes IFR qu'il va suivre. Une instruction hors programme mais forte intéressante comme toujours.  Il faut envoyer le plan de vol. On lance Olivia sur le poste Internet du club, et je remplis sous ses explications les champs. Chacun d'entre eux fait l'objet  d'une explication détaillée. J'en connaissais déjà une bonne partie (théorique PPL dans trois semaines oblige mais également via IVAO), mais des renseignements plus pointues de sa part sont un atout non négligeable dans ma formation.

   A l'issu, on entame une phase d'instruction sous Power Point quand un autre instructeur nous informe  de ne pas trainer pour aller voler car des orages sont annoncés non loin d'Avignon. Quoi qu'il en soit, nous allons volé en local , donc sans plan de vol, et la météo locale dans la CTR semble excellente. 

 

   Le Cessna est déjà au parking. J'effectue la prévol avec ma lampe de poche en main. Nous avons 72 litres dans les réservoirs donc largement assez pour un vol local. Patrice m'explique les rudiments du vent de nuit en axant son discours sur la lumière. Cette lumière qui est l'élément le plus  néfaste pour le pilote. Il faudra vingt minutes pour s'acclimater correctement à notre environnement nocturne et une simple lumière parasite comme une lampe de poche trop puissante ou un balisage de nuit trop voyant peuvent éblouir quelques minutes un pilote concentré sur son vol de nuit. 

   Checklists effectuées et clairance donnée par la tour, on remonte la piste pour venir s'aligner sur le peigne de la "35". Ce soir, c'est mon premier vol de nuit, et c'est également la première leçon de VSV (Vol Sans Visibilité). Jusqu'à présent, je volais à vue. L'horizon, la capot moteur étaient des éléments prépondérants dans la suivi d'un cap, d'une altitude, et ce soir point de repère visuel extérieur.  On revoit rapidement (car je l'avais bien potassé à la maison) le circuit visuel de nuit où l'horizon artificiel reste l'instrument central du circuit par lequel on doit repasser en permanence.  Que se soit l'assiette (montée-palier-descente) et l'inclinaison (15% de la Vp) tout passe par l'horizon artificiel).

 


l'instrument central par qui le vol de nuit sera possible


    Je m'élance, on majore à 60 nœuds car on a une légère composante arrière. Rotation. Et là première impression terrible ! pas d'horizon extérieur pour caler mon capot moteur pour ma montée initiale. Mes habitudes que j'avais prises ont pris le pas sur ce que je dois faire ce soir. Je me reprends aussitôt, et cale mon regard sur l'instrument principal sous les conseils de Patrice. Il faut tenir  8 à 10° d'assiette tout en tenant une inclinaison nulle. Un léger vent arrière nous pousse sur la gauche, j'incline légèrement à droite , un peu de pied et on retrouve l'axe de piste derrière nous. Je monte et à 300 ft sol, je rentre les volets pour à 700 ft sol, virer à droite et monter à 2000 ft en vue d'une verticale terrain.

    Lors de la montée, appareil bien compensé à 9° de montée, je peux enfin regarder dehors. Que c'est beau. Pas un nuage, pas une turbulence, un vent quasi nul, un décor féérique s'offre à nos yeux. Avignon, le jour c'est très beau mais la nuit, quel spectacle. A 2000 ft, je stabilise ma montée, réduits les gaz à 2400 tr/min puis compense l'appareil en palier. On file vers le secteur Whisky , intersection de la Durance et du Rhône. On survole la zone commerciale de Auchan Mistral Sud, parking et magasins éclairés de milles couleurs, à 100 kts et 2000 ft QNH, c'est beau car on prend le temps de voir tous les détails du sol.

    Verticale Whisky, Patrice décide de s'occuper de la radio ce soir pour que je puisse être pleinement concentré sur mes exercices VSV. On commence d'ailleurs par un 360° en virage standard en conservant l'altitude. Je jette un œil au conservateur de cap pour mémoriser mon cap de sortie et j'attaque l'exercice. Je vole à 100 kt (185 km/h) donc je dois tenir une inclinaison de 15°. L'appareil s'incline et juste avec le bout des doigts je tiens le manche de manière à tenir ces 15° d'inclinaison tout en maintenant une assiette positive. Je tire légèrement sur le manche pour compenser l'augmentation de trainée due au virage et  surtout pour augmenter la portance.  Je termine mon de mi tour, et Patrice m'annonce que j'ai perdu 80 ft (35 mètres)  sur cette manœuvre. C'est pas l'excellence, mais il semble que pour un débutant, ça ne soit pas si mal que ça.

    On ré-itère l'exercice en tournant dans l'autre sens. Ce qui est le plus troublant pour moi c'est ces exercices se font le nez littéralement dans le tableau de bord sans même regarder dehors, hormis pour se faire plaisir. C'est du VFR sans être véritablement du VFR dans la mesure où les repères visuels extérieurs sont quasi inexistant. D'ailleurs, Patrice m'annoncera en fin de vol que la prochaine séance, on masquera carrément mon pare-brise pour simuler un vol sans aucune visibilité.

    On file maintenant vers Graveson en exécutant des 360 en montée et après en descente. Alors que le 360 en montée est parfaitement géré je rencontre des difficultés pour l'exercice en descente comme si au fond de moi, une petite voix me disait "ne descends pas trop vite, t'as pas le sol en vue" ...  même si Patrice me fait travailler à une altitude confortable sur le plan de la sécurité. On évolue entre 2500 ft et 3000 ft. 

     On vole depuis 45 minutes, et on passe à autre chose. Le repère visuel nocturne des points de report de la CTR. Après W et SW, il me demande une nouvelle verticale terrain en utilisant cette fois ci l'ADF. Bon l'exercice est dans mes cordes. Verticale terrain, l'aiguille de ADF fait un demi tour et nous continuons vers le prochain pont Echo. L'isle sur la Sorgue sur notre travers droit, on se dirige vers le point Novembre Echo, la ville de Carpentras. Le spectacle de Carpentras de nuit est merveilleux avec ses rues en hexagone centrées sur le coeur de la ville. 

     Entre Carpentras et Pernes les Fontaines, Patrice repère son terrain de LFNZ où je procède à un nouvel exercice avec un virage à 180 en légère descente. Sortir au cap 210 à 2200 ft, voilà le deal. Je réussi le virage à taux standard mais je suis encore un peu trop haut. Ah, en descente, j'ai du mal à garder un vario à 500 ft/mn.  Avignon en vue, nouvel exercice. Faire une verticale VOR AVN tout au QDM avec un vent léger de travers. Et c'est parti, cette fois on survole la zone commerciale du Pontet, je passe à quelques centaines de mètres de ma propre maison, traverse la Barthelasse dans le sens de la largeur vers les Angles puis au dessus du terrain d'Avignon Pujaut, verticale VOR. L'instrument déflague puis bascule en FROM. Virage pour repartir sur une radiale su VOR au 110.

     Pour finir en beauté, Patrice m'offre une initiation d'approche IFR sur la piste 17 : sous radiale 110 du VOR AVN, prise de Gisement avec l'ADF situé en bord de piste pour finir par capter le LOC de l'ILS de la piste 17. Nom de Zeus, quand on a quelqu'un à coté qui détaille toutes ces phases d'approche, quel bonheur !

     En longue finale, le VOR indique maintenant le LOC à suivre. C'est tout bon, je suis dans l'axe. Dommage qu'on est pris ce C152 car je sais qu'un des deux autres du club possèdent un VOR avec LOC et GLIDE, ça aurait été sympa de voir aussi le plan. Peu importe, pour le plan, j'ai le PAPI en face de moi et c'est bon j'ai deux rouges - deux blanches. En courte finale, le spectacle de la piste éclairée des habitations voisines m'en met plein les yeux. Je suis content d'avoir pu filmer ça pour immortaliser ce moment. Passage des 15 mètres, je repasse sous le plan avec trois rouges mais peu impote la vitesse est bonne. Soixante dix nœuds, je réduis et arrondis. Patrice prend les commandes pour accentuer le mouvement d'arrondi que je n'avais pas suffisamment effectué. Il est vrai que malgré le phare puissant du Cessna, ça reste juste pour entrevoir la piste avant le touché et la gestion de l'arrondi en vol de nuit sur piste non éclairée n'est pas évidente.

    Roulage approuvé, on regagne notre parking club après une heure vingt de vol d'intense bonheur.

 

 

    Avant le vol, anxieux d'être barbouillé ou désorienté par un vol de nuit, je suis très satisfait de la manière dont mon corps a réagit à cette épreuve. Aucun effet indésirable et pourtant j'ai pris mon repas  une heure plus tôt. Sur le manuel du pilote, il est écrit  que  l'on peut  être complètement désorienté car il existe un conflit entre la référence visuelle (horizon artificiel) et la référence vestibulaire (oreille interne). Sur ce plan  là, mon expérience de vol de nuit s'est très bien déroulée. En plus, une bonne acclimatation à la vision nocturne a été facilitée par la lampe frontale de Patrice parfaitement adaptée à cette situation. Le vol aux instruments est particulier en ce sens qu'aucun repère extérieur n'aide véritablement à la navigation et que la confiance aux instruments de bord et en la méthode doit rester présente à l'esprit. Une bonne première expérience qui devrait voir arriver les suivantes.

    Ci dessous, la vidéo du vol de nuit dont la qualité est loin d'être excellente vue l'obscurité qui nous entourait. Cependant, pour regarder  quelque chose de correct, j'ai conservé les séquences départ et arrivée qui sont les plus lumineuses. Bon film @ tous.