Navigation limite VMC

     Ce dimanche 1er mars, nous allons effectué une navigation avec touché à ALES, puis MONTÉLIMAR et pour finir VALREAS. Ce vol devrait nous faire parcourir 227Nm ... une belle ballade en perspective. J'écris en perspective car la météo aujourd'hui est bouchée. Il n'y a pas de vent mais le plafond est très très bas. Les log sont prets depuis quelques jours, et mon instructeur les avait supervisé par E Mail déjà. Reste la météo et les Notam à consulter.

 

   Pour ce qui est des Notam, rien de bien spécial. on note juste une piste dégradée en partie sur Uzès, aérodrome non prévu dans la navigation du jour mais qui pourrait nous accueillir au cas où. Sur Nîmes, une nouvelle zone de parachutage, mais vu la météo, pas d'activité sur ce plan là. Deux nouvelles éoliennes au dessus de Montélimar, secteur que nous auront pas le loisir de traverser. Sur ce point là, c'est réglé.

   La météo. A priori, les Metar des installations placées sur notre route sont pas si mauvais que ça. Les Taf eux nous annoncent globalement qu'à compter de 16 heures UTC, les averses de pluie sont annoncées, et les plafonds nuageux devraient rester en l'état actuel. La carte des vent nous rassure sur ce point, vent du sud pas plus de dix nœuds. Ces paramètres sont de suite analyser et intégrer pour le calcul des dérives. Les TEMSI nous indiquent que globalement, à 2000 ft, ça devrait passer.

 

                                                   

 

   Plein effectué, nous voici dans le Cessna du jour : le Novembre Yankee.

            

 Tableau du bord du F-GHNY

 

    C'est un décollage en 17 avec le Métar suivant : LFMV 011230Z AUTO 15009KT 9999NDV FEW37 OVC049 15/07 Q1012

    Le vol est stable, pas de turbulences alors que le plafond à moins de 5000 ft nous donne l'impression à 1500 ft de toucher véritablement les nuages.A 700 ft QNH, je vire à droite pour suivre la Durance et déjà là devant nous : du grain. Patrice me fait remarquer que si on voit à travers, on peut y aller sinon, on s'abstient et on contourne. Nous sommes en l'air depuis 3 minutes à peine, et déjà je constate ce que ce vol va être. Hier je volais solo par très beau temps et se sont les turbulences qui m'ont plus ou moins gênées aujourd'hui, on a une météo moins souriante et aucune turbulence mais les soucis de visibilités commencent. On vole en VMC, sur notre flanc droit on voit le Mont Ventoux situé à 30 km mais sur notre avant gauche, coté Nîmes, la visibilité est limite pour continuer en VMC. Ceci dit, on se dirige au cap 270, nous sommes déjà en sortie de CTR et j'ai le sentiment que ce vol va m'apporter pleins de bonnes choses...


 Log de la branche n°1 - LFMV-LFMS



   La ville de Remoulins passée, nous prenons un cap sur Uzès. Le vent est plein travers 10 kt (d'après notre estimée), je corrige mon cap. Sur notre gauche, nous passons si proche du Pont du Gard que nous pourrions le toucher ... du regard bien sûr !


 

   Uzès passée, c'est notre troisième point tournant, c'est une directe sur les installations d'Alès. Facile, il y a un NDB sur les installations, et l'aiguille de l'ADF est plus qu'un bon moyen pour suivre une route idéale. La météo devient de plus préoccupante et un espèce de gros nuages se trouve en plein milieu de notre route. Patrice me demande de mettre en oeuvre une procédure pour m'écarter de la route momentanément. Sur un cap au 270, je vire à 30° gauche pendant trois minutes. Toujours au cap 300 et une fois le nuage évité et dépassé par la gauche, je vire au cap 240 (soit un virage de 60° à droite) durant trois minutes. Montre en main, je reprends mon cap au 270 reprenant ainsi ma route initiale.

 


   Premier exercice intéressant, par l'intérêt de connaitre cette méthode qui sur le papier est d'une évidence absolue mais dans le ciel avec une visibilité passant du supérieur à 10km à l'IMC en quelques secondes, l'est beaucoup moins. Dans la rapidité d'intervention, il est nécessaire de ne pas partir tout azimut, mais de prendre sa montre, noter l'heure de changement de cap de manière à pouvoir virer à deux reprises aux bons timing pour rependre sa route.

   Bref, nous voici en vue des installations d'Alès. Se sera en auto-information. on quitte Rhône Info (119.70) pour passer sur Alès A/A (130.20) . Je m'annonce arrivant de LFMV, deux personnes à bord, 3 minutes des installations par l'Est, 2300 ft pour une verticale terrain. La verticale passée et l'annonce effectuée à la radio, je me reporte vent arrière pour un touché en 19. La manche à air est légèrement tendue (à priori une dizaine de noeuds) dans le sens qui nous donne l'information que la 19 est désormais la piste à utiliser pour se poser.

 

  LFMS coté piste "19"  - ALES -Mon premier touché

 

   Nouvel aérodrome aux commandes, mais pas totalement inconnu, car j'avais déjà eu l'occasion d'y aller en place arrière au cours d'une séance de PTE d'une élève de mon FI. Bref, me voilà en finale piste 19 ... Touché sans encombre, mais curieusement, je découvre que la piste est légèrement en pente. Bon d'accord, c'est pas l'altiport de Courchevel non plus ! mais quand on débute en aviation légère, ces petits détails ont leur lot d'importance pour le panel de souvenirs qu'on se constitue au cours de nos vols...  Bref, trêve de poésie, nous voici déjà en l'air, après le premier touché. Je sais, car j'ai bien potassé ma VAC, et que la sortie de piste coté "01" est particulière. En effet, un village situé en bout de piste est interdit de survol. Donc une fois remis les gaz et l'appareil à 500 ft sol, je vire immédiatement à droite pour ne plus resté axé et ainsi éviter le survol du village.

 

LFMS coté piste "01"
Au premier plan de la photo, le fameux château d'eau repère VFR pour le posé coté "01"



    On en discute avec Patrice en vol, et du coup, me demande de me poser en contre QFU si on peut dire. En effet, avec ce temps de cochon, il y a que nous deux assez cinglés pour voler dans le coin. L'aérodrome est désert et le vent est quasi nul. En vent arrière "19" main droite, je vire à gauche pour me positionner ainsi en vent arrière main gauche piste "01".


 

    Patrice m'indique les postions à adopter pour cette approche très particulière.  En effet, il n'y a quasiment pas de finale. On vire en base à quelques mètres du seuil de piste, juste le temps de terminer le virage pour s'aligner sur la piste. L'astuce pour se poser sans se casser la figure et manger la moitié de la piste, il faut effectuer une vent arrière quasiment au double de la distance habituelle qui nous sépare de la piste. Ainsi, on arrive en base en visant le château d'eau (voir photo précédente) et à sa hauteur, on vire en très courte finale. Au premier essai, je réussi la manœuvre sur les conseils éclairés de Patrice, mais punaise, cette arrivée est assez folklorique. On a l'avion encore incliné de sa sortie du dernier virage que le seuil de piste est déjà là ... franchement, c'est excellent. C'est un mélange de circuit basse hauteur et d'une finale digne d'un appontage sur le Charles de Gaule. 

   Je touche pour la seconde fois la piste humide, car la pluie fine a commencé à se faire sentir. Freinage inutile, remise de puissance et on re-décolle à nouveau. Patrice me lance "allez on s'en refait une, mais cette fois, je te dis rien". Heureux comme tout de renouveler cette arrivée hors du commun, je m'exécute et intègre le circuit en vent arrière. Mauvaise écoute ou l'habitude de serrer la piste, Patrice me fait remarquer que ma vent arrière serait bonne à Avignon mais ici je suis trop prêt, je réduis, les gaz des la fin de la vent arrière et de mon virage en base commence ma descente de manière à ne pas arriver trop haut sur la piste, car ici, la finale est quasi-inexistante. Me voici dans mon dernier virage, imaginez l'appareil incliné à 30°, 500 ft sol, le seuil de piste à quelques centaines de mètre à peine, le tout à 75 kt, ça dépote ... ma entise comme j'en parlais avec mon instructeur, c'est dans ce cas de figure : le décrochage. On est incliné, 30° dans ce cas, facteur de charge augmente, donc la VS augmente aussi, bref, on est pressé d'avoir les ailes à plat le tout axé sur la piste.

  Troisième touché à LFMS, virage à gauche et se sera une verticale terrain pour un cap qui va nous amener sur le QDM du Vor de Montélimar. Et là, ça commence à se gâter sévère. Le plafond est bas. Patrice me fait comprendre que nous allons avoir du mal à passer et surtout atteindre MTL dans ces conditions de vol. Nous pouvons plus voler en VMC et pire encore, les nuages nous entourent à tel point que je découvre encore une nouvelle manœuvre : le 360 en tire bouchon ! non ça s'est moi qui le dit, mais la procédure est de monter en altitude en tournant à 360°. Plusieurs difficultés rencontrées : rester hors des nuages, c'est pas facile. Ensuite, faut monter à 80kts mais pas trop incliner non plus pour éviter de décrocher, le tout avec une météo qui s'arrange pas un niveau de sécurité de 2350 ft , c'est chaud bouillant. Je continue ma montée mais malgré tout, il semble que nous allons avoir du mal à voler hors nuages, volant en classe G.

  Décision de Patrice, on fait un déroutement. Çà tombe bien, c'était au programme de la leçon aujourd'hui. En principe, cet exercice se fait par beau temps, mais là se sera un exercice mais en cas concret car faut qu'on se sorte de là. Pour m'aider dans la manip, Patrice prend les commandes car nous sommes quasiment à moins de 30s des nuages, et les traverser serait dangereux. Bizarrement, je ne suis pas stressé. Faut dire que j'ai la carte sous les yeux, nous sommes à 3200 ft et bien au dessus du relief le plus haut sur notre route. J'exécute les procédures de déroutement, en notant sur la carte 1.500000 notre position et surtout l'heure, donne à Patrice un cap à l'estime et ensuite grâce aux Vor de AVN et de MTL, triangule notre position. Impeccable, nous sommes à 2 nm de la zone que j'avais estimé au départ. Je calcule le cap réel à prendre, la distance qui nous sépare du prochain point (se sera LFMS) et je reprends les commandes. 

  En fait, intérieurement, je suis content que cet exercice se passe dans ces conditions réelle, franchement je suis un pilote heureux d'avoir quand même assez bien assuré. Le seul bémol, c'est que le temps que je bosse sur la carte, je ne regardai plus dehors, Patrice avait les commandes, et ça m'a quand même barbouillé l'estomac ... moi qui en bagnole ne peut même pas lire le journal, là je vous raconte pas.

   Nous revoici sur LFMS, travers gauche du terrain, en route pour un prochain point. Patrice me demande alors de refaire un Log de NAV en live. C'est pas aussi simple qu'à la maison assis tranquillement sur un chaise, accoudé à son bureau. Je m'exécute et pressé de regarder le paysage, je négocie mal le calcul de cap en donnant 140° au lieu des 115°. Patrice, vieux roublard des airs qui connait sa Provence comme sa poche, me dit de re-vérifier car 140 nous amène à Nimes au lieu d'Uzès envisagé.  Je recalcule et effectivement, mon erreur de 30 degrés nous aurait azimutée. Bon pas de beaucoup, car nous prenons un point tournant tous les 10 Nm maximum vu la visibilité. A Uzès, je chemine le long de la route qui nous emmène droit à Rémoulins. Je quitte la demoiselle de Rhône Info et m'annonce à la Tour d'Avignon après avoir pris l'Atis.

   Se sera comme hier, une 17 main droite, et Patrice après m'avoir fait le coup de la panne moteur au dessus de la Durance,  me demande de faire une arrivée rapide ... grosso modo, on est à 2400 t/mn soit en descente à une centaine de nœuds (200 km/h) pour réduire fortement juste avant de tourner en base, c'est rapide et chaud comme arrivée. Mais j'aime bien justement les nouveautés apportées à chaque leçon.

   Bon, c'est le moment de se poser sur la piste, je m'applique à faire un bel arrondi que je réussi sans aucune prétention ... un posé tout doux, peut être pas kiss landing, mais en douceur c'est certain.
  

   Après une heure quarante cinq de vol, nous voilà au parking, moteur éteint. Un long debriefing en salle d'opérations et une séance de simulateur sur les scènes photo réalistes fraichement installées finiront cet après midi haute en émotion mais à aucun moment source de stress ou de peur. Rien que sur ce dernier point, je suis satisfait  de maitriser bien mieux mes émotions face aux conditions de vol qui peuvent s'avérer étourdissantes.