Voler par tout temps

  Ce 12 février 2009, nous avons un programme d'une navigation d'un peu plus de 120Nm. Le souci, c'est qu'on doit la réaliser en Cessna 152 et que la météo est plutôt agitée.

    Le METAR à Avignon : 2009/02/12 18:30 LFMV 121230Z AUTO 36025G38KT 330V030 9999NDV NSC

    Patrice me dit que c'est jouable mais qu'on va être secoué durant toute la NAV. Le but de l'exercice du jour est de continuer à rester disponible dans l'avion pour remplir le Log, faire la radio avec les contrôleurs, consulter la carte ... bref, avec une météo aussi agitée, ça va pas être simple, et finalement, voler restant avant tout un plaisir, il serait stupide de se prendre la tête tout au long du vol.


  Finalement, Patrice me fait un topo complet sur l'étude des cartes météo, un cours sur les Sup AIP ...   très instructif comme toujours. Après une petite heure là dessus, on se décide à faire des tours de piste par grand vent de façon à parfaire ma formation, même si je peux dire que je ne suis pas prêt de voler seul avec un tel vent. Bref, nous voilà sur le parking où le vent souffle à tel point que le C152 a presque du mal à rester en place. De ma vie, je ne suis jamais monter dans un avion avec un tel vent, même en tant que passager.

   On profite pour faire le plein et c'est la prévol. Comme les taxiways sont dirigés au cap 90 et que le vent souffle du 360 à quasiment 40 nœuds en rafale, et que notre appareil est stationné forcément face au vent, Patrice me demande de faire les essais moteurs au parking.  La manœuvre est sans danger vu qu'on est face au vent et que surtout, on est le seul appareil à voler avec un tel temps. Seul ? pas vraiment, nous sommes accompagnés par un Zéphir, cousin du Fougga Magister. On a même droit à un décollage avec rentrée du train et passage très basse hauteur au dessus de la piste, prise de vitesse et montée verticale avec virage séré ... un pur régal à regarder.

    Bref, je fais la radio et une fois aligné , c'est le décollage ... au briefing de prévol, Patrice me dit que vu la force du vent, on va majorer nos vitesses. Aujourd'hui, pour une fois, la Kve va vraiment rentrer en ligne de compte.

 

     En principe, en C152 sans vent, c'est Vr à 55 kt et Montée initiale à 65 kts. Aujourd'hui, se sera rotation à 65 kts et montée initiale à 80 nœuds.  On s'élance et je dois forcer sur le manche pour éviter que l'appareil ne s'élève avant  la Vr.  Il y a tellement de vent, que je dois tenir le manche en avant. La première montée initiale m'a de suite mise dans le bain. Voler avec un tel vent, ça dépote. Je reconnais sans aucune honte que j'ai eu quand même une grosse montée d'adrénaline. On ne peut pas parler de peur bleue, mais une espèce de stress genre coup de poing dans l'estomac. Bref, j'ai un pro à coté de moi, donc pas de panique et je me raisonne de façon à tenir la bête le mieux possible.

    Le vent traversier commence à me faire toucher du doigt ce que l'on appelle la dérive ! C'est carrément impressionnant. Pour donner une idée, on décolle au cap 350, le vent traversier est donc au cap 80. Bein là, je visais le cap 30 pour atteindre mon point....l'appareil glissait carrément, à ce niveau là, c'est même pas voler en crabe, mais carrément surfer sur les courants d'air.

    Comme on est les seuls fadas à voler avec tel vent, la tour n'est pas débordée pour une fois, donc au niveau radio, je peux dire que je n'ai pas été ennuyé ... mais la première finale, je dois ma survie à Patrice Mort de rire ... j'ai compris pourquoi on majore la vitesse en finale et pourquoi il vaut mieux être un tontiné au dessus du plan. Le gradient du vent, je connaissais dans les bouquins, mais là j'ai pu le toucher du doigt ou plutôt le sentir dans les fesses.

    Touché pas trop mal on va dire (merci Patrice pour tes conseils éclairés) et c'est reparti ... 


   Le souci ce n'est pas tant le vent d'une bonne vingtaine de nœuds, ce sont ces rafales imprévisibles  (38 kt annoncés par la tour) qui soulève un coup l'aile droite, un coup l'aile gauche. Je dois admettre qu'en jouant effectivement avec les palonniers (du pied du coté où l'aile se soulève remets comme par magie l'horizon à plat). J'avais déjà testé l'opération sur Cessna 172 où mon père avait participé à l'une de mes leçon par météo un peu turbulente ( Voir ICI )

 

    Ce deuxième tour de piste, on a droit à quelques surprises. Sur ma vent arrière, je m'approche un peu trop d'un relief, ce qui a pour effet de nous entrainer dans des rabattants.   Concrètement, à 85 kts, subitement sans raison le vario affiche - 500 ft/mn et c'est l'expérience de mon FI qui accentue le mouvement en reprenant de la vitesse et en me demandant de virer sur le haut du relief nous faisant récupérer au passage un effet de pompe nous refaisant reprendre de l'altitude.  Y a pas à dire, un avion ne se conduit pas mais il se pilote !

    En deuxième finale, on aura droit à un cisaillement de vent, qui aura pour effet à nous "enfoncer" alors que je vole à 85 kts. Là aussi, gros coup de stress quand tu vois ton appareil s'enfoncer subitement alors que ton assiette est bonne, ta vitesse aussi, mais voilà tu perds de l'altitude.  J'ai désormais compris le réflexe à avoir pour sortir d'une telle situation. Comme quoi, rien ne sert de luter contre les éléments, faut faire avec en restant vigilant.

    Second touché, heureusement le vent est de travers de 10° donc avec notre C152, on passe à l'aise mais le vent de face est quand même costaud. La tour vient de nous annoncer que les rafales sont en ce moment même de 32 kts, ça baisse mais on est bien malmené quand même.  En vent arrière, j'annonce à la tour un complet, car je sens que ma concentration est altérée car depuis 20 minutes que nous sommes en vol, j'ai du mal à rester totalement concentré par tout ce stress, et ma perception est parfois désorientée , surtout en situation de glissade .

   Autant les deux premiers touchés étaient pas exceptionnels, autant le complet s'est mieux passé.  Je pense que je l'ai posé seul ou presque contrairement aux deux premiers où j'étais pas forcément dans les clous.

  Comme quoi, on a beau être breveté de base, avoir déjà volé solo quelques heures, un peu d'humilité ne fait jamais de mal.


  Après le vol, on s'est vengé sur le simulateur du club.