Le lâché !!!

   Ce jeudi 02 octobre, j'arrive au club à 18 heures après une journée passée à Apt à monter un serveur Linux. Patrice est là, et m'attend pour continuer nos séances de tours de pistes.  Après une prévol effectuée, le plein est déjà fait, sur le C152 du jour, il s'agit du F-GCNS équipé d'une avionique GPS, qui ne sera d'aucune utilité aujourd'hui.

 

         

 

    Aligné en 35, je décolle normalement en assurant toutes les communications radio. Après la rotation, l'appareil gagne les airs et à mi piste, mon FI coupe les gaz, déclare à la Tour un exercice de panne moteur, et me voici à la manœuvre. Assiette à piquer, je me pose avec un bel arrondi et pas mal de tension quand même car le bout de piste n'est plus très loin.

    Cet évennement passé, je remonte la piste et me présente pour redécoller. Tout se passe sans encombre cette fois, j'effectue mon premier tour de piste et me présente pour mon premier touché de la soirée. Sur le plan (merci le PAPI) et axé, j'effectue mon premier touché en contrant seul le vent de travers. On se pose en 35 et le vent est de 270 / 10 kt, donc plein travers, mais je gère parfaitement avec les palonniers.

    A la troisième finale, Patrice annonce à la tour non pas un posé mais un complet. En moi même je me dis dommage, car j'aurais bien voulu me faire un ou deux tours de plus. C'est vrai, il est 19h05, le crépuscule n'est plus très loin, bon je me fais une raison. Alors qu'on remonte la piste, Patrice me lance "ce soir, tu m'as fait trois superbes atterros, dignes d'un gars qu'on pourrais lâcher ce soir !" ...sur le coup je relève pas, et il me redis la même phrase. Là je commence à percuter, mais bon, je me dis que la prochaine séance sera celle du lâché. Voyant que je ne réagis pas, mon FI lance: "ce soir, tu m'as fait trois superbes atterros, dignes d'un gars que je vais lâcher ce soir".

    Là c'est clair. Ce soir va être LE grand soir. Patrice annonce à la Tour que son élève va être lâché. Arrêté au point d'arrêt bravo,  Patrice descend de l'appareil avec une radio portative à la main. Je suis désormais seul à bord, moteur allumé, au point d'arrêt. Le cœur qui bât plein pot, mais maintenant que je vais pouvoir accomplir mon premier rêve aéronautique, celui de voler seul, je ne vais pas renoncer. Je m'annonce à la tour : "Fox Novembre Sierre, au point d'arrêt bravo, prêt pour remonter la piste" ... la clearence reçue, je remonte. La tension est à son maximum, mêlant sentiments de joie et de grande axianté. Pour évacuer cet excès de nervosité, je récite à haute voix, toutes les consignes de vol à venir.

   Axé en "35", autorisé au décollage avec un vent de 10 kt au 270, je recale mon conservateur de cap, vérifie mon transpondeur, le reste est déjà tout OK. Pleins gaz du pied à droite, la puissance affichée est bonne, le badin est actif, pas d'alarme, je décolle. Désormais, je ne peux plus faire marche arrière, mon appareil s'élève seul dans les airs. En montée initiale, à 400 ft, je rentre mes volets, prends une assiette de façon à afficher 75 kt. A 700 ft, je vire à droite à 20° et c'est partie. Je tourne ma tête au trois quart arrière, la piste est en vue, je suis bon. L'autoroute A7 franchie, je continue ma montée jusqu'à 1100 ft, qui sera mon altitude de croisière. Seulement, Patrice n'est plus là et du coup, c'est 100 kg en moins. J'ai tendance à me laisser guider par mes repères précédents et finalement me mets en palier à 1300 ft. Rien de grave, je continue à parler à haute voix, tel un demeuré qui cherche à se faire entendre d'un passager absent. Je diminue  mon régime moteur à 2100 tr/mn, dans l'arc blanc, je mets volet 10°, et laisse mon appareil descendre pour me stabiliser à 1100 ft.

  En vente arrière, j'appelle la Tour et m'annonce pour un complet. Je fais ma check, tire le réchauffe carbu, et réajuste mon cap pour ne pas trop être convergeant à la piste. La Durance passée, et seul à bord, je préfère allonger ma vente arrière avant d'attaquer mon virage en base, ça me laissera un poil de temps supplémentaire pour m'ajuster en finale. Virage à 30° terminé, je baisse le régime à 1500 tr/mn, et me voilà en descente à 500 ft/min. Un coup d'oeil à droite, la piste presque alignée, je vire en finale. La tour me donne l'autorisation avant même que je m'annonce, sympa à eux, je réponds en même temps que je termine mon dernier virage.

 

  Piste en vue, au dessus du plan, je pique légèrement en baissant la puissance moteur. Le PAPI m'annonce 2 rouges - 2 blanches, sur la plan, je termine de compenser l'appareil. En courte finale, je surveille mon plan, mon axe et ma vitesse. Punaise, ce vent de travers me pousse inexorablement sur la droite, et ma manœuvre aux palonniers maintes fois réalisée sur mon simulateur à la maison, me permet de rester dans l'axe. Sachant que Patrice est en train de m'observer, je tache de faire un atterrissage le plus réussie possible. Vitesse impec, j'arrondi tranquillement, laisse les deux roues arrières touchées le sol, et dans la foulée, la roue avant à son tour. Je freine, me déporte à gauche et annonce "Vitesse contrôlée".

  La tour me donne la clearence pour rentrer au parking. Je remonte la piste et là en moi même me dis : "nom de zeus, tu l'as fait !"  Sur le taxiway, "piste dégagée", et la tour m'autorise à quitter en me lançant "Félicitations November Sierra" , punaise, c'est que du bonheur. Moteur arrêté, checklists terminées, Patrice vient à ma rencontre et me lance "Alors l'homme oiseau, tu l'as fait !" Que ces moments sont merveilleux quand même ...

  Une fois les avions  rentrés aux hangars, je rencontre quelques membres du club présents pour fêter le brevet ULM d'un des membres. Tous ont suivi mon premier vol solo, et c'est derrière un verre de champagne que nous avons longuement parlé de tout ça.